“Phygital” (1/2) : explorer le potentiel
Digitaliser les boulangeries et les pâtisseries est une piste pour accroître la valeur perçue des produits par les clients et déplafonner le chiffre d’affaires. Des facteurs décisifs de succès sont déjà bien identifiés. Première partie de notre décryptage.
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Contraction de physique et de digital, le terme “phygital” s’est démocratisé dans le milieu du marketing et du merchandising (l’art de la présentation et de la mise en rayon des produits) à partir de l’année 2013. À cette date cela faisait environ six ans que le premier iPhone avait été commercialisé ; tous les corps de métiers se posaient déjà la question de leur “transformation digitale”. Dix ans plus tard, la problématique de la digitalisation des points de vente physique n’est pourtant pas résolue. De fait, le phygital est encore mal connu, et souvent mal compris.
1. Éviter les pièges
«Au sens strict, le phygital commerce consiste à dynamiser les ventes via les outils digitaux du magasin », insiste Maxence Dislaire, consultant présenté par certains comme étant le “pape” du phygital. Ce dernier se distingue ainsi des stratégies omnicanales, qui visent à réaliser des ventes en e-commerce au travers des outils numériques des clients, comme le smartphone ou l’ordinateur. Effectuer cette distinction est très important, selon Maxence Dislaire, « car les règles du jeu du commerce en ligne et du commerce physique ne sont pas du tout les mêmes. Si l'on n’a pas conscience de cela, on court souvent à l’échec ».
2. Identifier les facteurs limitants
« Les échecs ne doivent cependant pas faire oublier que le potentiel de la digitalisation des points de vente est tangible et encore largement sous-exploité, insiste le spécialiste. Certains magasins se créent uniquement sur ce concept et réalisent des millions d’euros de chiffre d’affaires dans quelques mètres carrés. »
Pour réussir sa stratégie digitale, la clé semble être de se poser la question des facteurs physiques limitants de son commerce. Parmi ceux-ci, nous pouvons lister la main-d’œuvre, l’attractivité, la place disponible, les possibilités de communication autour des produits, etc. Une fois cela analysé, le phygital consiste à envisager des solutions digitales pour que les facteurs limitants ne le soient plus et déplafonner ainsi le potentiel des magasins.
3. Faire parler le produit
En boulangerie ou en pâtisserie, le premier axe de travail identifié autour du phygital vise à améliorer l’image des produits auprès des consommateurs. Les artisans ont de magnifiques histoires à raconter, qui restent trop souvent ignorées. Des dispositifs digitaux peuvent permettre de présenter la beauté d’un geste technique dans la production d’une pâtisserie, par exemple, ou l’histoire d’un partenariat mis en place avec un moulin ou avec un agriculteur. « Tout cela crée ce que l’on appelle “de la valeur perçue” auprès du consommateur, explique Maxence Dislaire. On n’achète plus le même pain une fois qu’on a vu comment il a été fabriqué. En cette période d’inflation, il est très utile de travailler sur cette notion de valeur perçue. Cela aide à justifier des prix de vente parfois plus élevés que la concurrence. »
Parmi les dispositifs de phygital imaginables pour expliquer la valeur ajoutée d’un produit, nous pouvons citer les étiquettes de réalité augmentée apposées par Lionel Broilliard, responsable du réseau Artisan boulanger convaincu. Ces étiquettes apportent des informations en termes de traçabilité, y compris sur la présence de certains allergènes.
4. Déplafonner le chiffre d’affaires
Le deuxième axe majeur de travail autour du phygital consiste à développer la vente de produits que l’on ne peut pas avoir en stock ou qu'il n'est pas possible de présenter. Il s’agit de produits d’exception, sur-mesure ou hors normes, comme des pièces montées, une activité de traiteur, de revente de matériel de cuisine ou d’ingrédients pour pâtisserie. Le phygital est alors susceptible de prendre la forme de bornes interactives permettant aux clients de voir l’étendue de l’offre existante.
« L’avantage du phygital est qu’on n’a pas besoin d’avoir les produits. On se libère de la prison physique que représente l’enceinte du magasin. La rentabilité peut être beaucoup plus forte car il n’y a pas de manutention, pas de loyer à payer, pas d’invendus ni de stocks à financer etc., s’enthousiasme Maxence Dislaire. Quand on maîtrise les règles du jeu, le chiffre d’affaires peut exploser. Cela dit, cela nécessite de changer son modèle mental lié à la vente. Cela peut heureusement se faire de façon progressive. Une bonne idée consiste à travailler d’abord sur un aspect spécifique de son activité. »
Savencia enrichit sa relation client
Pour le groupe agroalimentaire Savencia, qui fournit entre autres des ingrédients aux secteurs de la boulangerie et de la pâtisserie, le digital ne remplacera jamais la relation commerciale humaine sur le terrain. Cependant, il offre de nouvelles possibilités d’enrichir la relation. L'ensemble de la démarche des services additionnels que l’entreprise propose à ses clients a ainsi été inscrit dans une stratégie qui intègre les outils digitaux. « Le digital est un outil particulièrement puissant pour inspirer les boulangers et les pâtissiers. Nous nous appuyons dessus pour animer des temps forts de l’année, comme la confection de bûches de Noël. Nous l’utilisons également pour susciter une relation de “chef à chef” via nos grands chefs partenaires », détaille Charline Rambaud, chef de projet “digital expérience” chez Savencia.
Le digital fait également partie du programme de fidélité. L’entreprise récompense ses clients par des cadeaux se présentant sous la forme de tournages ou de séances photo. « Ces productions peuvent ensuite servir aux artisans dans leurs stratégies de communication physique et digitale pour améliorer la valeur perçue autour de leurs produits, indique Dorothée Meunier-Spitz, directrice marketing et développement des ventes chez Savencia. Nous mettons aussi en avant nos clients sur les réseaux sociaux. C’est une manière supplémentaire de créer du lien ». « L’épisode de Covid a accéléré ce mouvement, complète Charline Rambaud. Aujourd’hui, nous proposons, par exemple, d’assister à des démonstrations de grands chefs en visioconférence – chose qu’il nous est difficile de faire en présentiel. »
* 2/2 : Se réinventer grâce au phygital, à paraître dans le numéro 343 de février.
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